24 propositions pour accélérer la résorption de l’habitat indigne et dégradé : travaux d’office, expropriation, biens confisqués, saisis... les mots sont forts !
On n’en est pas encore au stade du projet de loi mais le rapport pour renforcer la lutte contre l’habitat indigne est arrivé sur le bureau du ministre délégué en charge du Logement Patrice Vergriete. Il avait été commandé au printemps par Olivier Klein son prédécesseur. Ce rapport, réalisé par les maires de Mulhouse Michèle Lutz (LR) et de Saint-Denis Mathieu Hanotin (PS), a été présenté le 23 octobre dernier.
Y est associée une synthèse de 24 propositions pour accélérer la résorption de l’habitat indigne et dégradé, les copropriétés sont particulièrement visées.
Nous avons apporté des éclaircissements et commentaires sur certaines propositions.
Synthèse des propositions de la mission Hanotin-Lutz
I- Amplifier le pouvoir d’agir des collectivités pour des interventions plus rapides, notamment sur le foncier
1. Permettre une expropriation foncière plus rapide des immeubles d’habitat indigne pouvant mettre en jeu la santé ou la sécurité des personnes.
- Cette expropriation « lutte contre l’habitat indigne » dans les immeubles a pour intérêt général le traitement de l’habitat indigne avec une indemnisation à la valeur vénale pour chaque lot déduction faite des frais de travaux et de relogement.
2. Sécuriser et élargir les conditions de recours à la déclaration d’utilité publique dite « Loi Vivien » pour l’expropriation des immeubles d’habitat indigne sous interdiction définitive d’habiter.
- Il s’agit aussi d’une expropriation mais ici l’insalubrité est irrémédiable avec une interdiction définitive d’habiter et les travaux trop onéreux pour être entrepris. Le débat portera sur l’indemnisation faite sur la base de la valeur foncière et non vénale pour les propriétaires.
3. Instaurer une méthode nationale de décote pour l’évaluation des immeubles dégradés.
4. Développer les financements de déficit de traitement d’habitat indigne à l’immeuble ou à l’îlot dans un cadre de projet urbain.
5. Instaurer la possibilité de rétrocession à l’euro des biens confisqués par la justice à destination des collectivités.
6. Mieux garantir la réalisation des travaux d’office relevant de l’urgence et renforcer les capacités de financements des travaux de sortie d’habitat indigne pour les copropriétés sous arrêté.
- Aide de l’Anah et obligation d’appels de fonds par le syndic pour le remboursement des frais avancés par les collectivités en travaux d’office, la collectivité assurerait le recouvrement des impayés.
7. Renforcer l’ingénierie au service de la lutte contre l’habitat indigne pour l’adapter aux besoins des territoires.
8. Faciliter le portage foncier pour anticiper l’intervention de la puissance publique lorsque celle-ci est rendue indispensable.
II - Faciliter l’intervention des acteurs de l’habitat privé
9. Accompagner les organismes, notamment HLM, souhaitant intervenir en tant que syndic d’intérêt général.
- La création d’un syndic d’intérêt général avec une aide à la gestion appuyée viendrait en réponse pour les copropriétés les plus en difficulté, notamment sous administration provisoire. Spécialisation de cette fonction d’administrateur judiciaire de la copropriété désigné par les tribunaux en priorité pour plus d’efficacité.
10. Renforcer les obligations existantes de diagnostic et de programmation pluriannuelles de travaux avec la nécessité de connaître l’état structurel du bâti.
- Diagnostic structurel et des équipements communs, ce qui est déjà prévu dans le plan pluriannuel de travaux qui n’est pas encore obligatoire (le projet doit être voté et donc le diagnostic réalisé mais le plan de travaux est optionnel). Cela pourrait changer mais tout l’enjeu en copropriété est de rendre obligatoire un dispositif qui doit être voté en assemblée générale et par conséquent financé.
11. Permettre le déclassement d’un IGH en immeuble de 4ème famille.
- Neutraliser les derniers étages pour sortir du classement IGH est intéressant sur le plan financier mais que le syndicat rachète ces étages pour en faire des lots communs non habitables pose plusieurs questions dont : l’évaluation du prix, le droit de propriété des copropriétaires de ces étages, le financement du rachat, l’impossibilité d’usage de ces étages...
12. Favoriser les contrôles de sécurité incendie dans les immeubles d’habitation.
- Il s’agit de favoriser un recours à la commission de sécurité ou au service d’incendie et de secours pour le maire afin de motiver son arrêté de mise en sécurité.
13. Faciliter le financement du reste à charge et les dispositifs de préfinancement des aides publiques pour les travaux de sortie d’habitat indigne.
14. Amplifier les dispositifs fiscaux visant à favoriser l’investissement privé dans l’habitat ancien dégradé.
- Il s’agirait d’étendre le dispositif d’exonération ou d’abattement fiscaux « Denormandie ancien », à titre exceptionnel jusqu’en 2030.
III - Améliorer l’accompagnement et la protection des habitants
15. Améliorer l’accès à l’hébergement d’urgence / logement accompagné et au relogement des mal-logés.
16. Améliorer le droit des occupants et l’adapter aux territoires en zone tendue.
- Pour éviter que l’hébergement d’urgence, en cas d’arrêté d’évacuation d’un immeuble, ne perdure dans le temps, il est prévu que ce droit à l’hébergement ouvre droit au relogement à compter d’un certain délai. De plus, en zone tendue, si le propriétaire fait défaut pour reloger le locataire et que la collectivité publique vient en substitution, l’amende due par le propriétaire à la collectivité triplerait (3 ans de loyer prévisionnel contre 1 an hors zone tendue) et l’indemnité au locataire serait multipliée par 4 (3 mois du nouveau loyer passerait à 1 an).
17. Elargir les mesures de protection des occupants dès le premier signalement aux autorités compétentes.
18. Garantir un accompagnement socio-juridique tout au long de la procédure pour chaque victime d’habitat indigne.
19. Améliorer la protection des habitants en cas de sinistres d’effondrement.
20. Faciliter les signalements et le recensement des situations d’habitat indigne pour garantir une action coordonnée et efficace des pouvoirs publics et des acteurs privés.
21. Conforter le permis de louer à articuler avec un contrôle technique global du logement incluant la décence.
- Il s’agit ni plus ni moins de la création d’un nouveau diagnostic décence préalable à la mise en location. La proposition parle de simplification en créant un seul contrôle technique du logement incluant tous les diagnostics.
IV - Accentuer les mesures coercitives envers les propriétaires indélicats et les marchands de sommeil
22. Doter les inspecteurs de salubrité et les agents de la police municipale des pouvoirs d’enquête judiciaire en habitat indigne.
- Se pose la question de la compétence de ces personnes qui ne sont pas des professionnels du bâtiment. L’Association des Propriétaires & Copropriétaires soulève d’ailleurs de manière récurrente ce potentiel défaut de compétence en commission (CODERST).
23. Faciliter la saisie des lots des propriétaires indélicats en impayés et instaurer un régime de substitution de la collectivité à l’engagement des procédures de saisie en cas d’inaction du syndic.
- Saisie uniquement des lots des copropriétaires bailleurs en impayé de leur quote-part travaux nécessaires à la levée des arrêtés de mise en sécurité ou d’insalubrité en cas d’inaction su syndic.
24. Renforcer la lutte contre les divisions pavillonnaires illicites en améliorant les dispositions du « permis de diviser » et en harmonisant les procédures habitat et droit des sols.
Les immeubles insalubres et dangereux ne sont pas la majorité des copropriétés mais il faut prévenir ces situations par l’entretien du bâti et des équipements.
La mauvaise foi des propriétaires qui laissent se dégrader les biens jusqu’à ce qu’ils en deviennent dangereux pour la santé et la sécurité des occupants doit être sanctionnée.
Renforcer les moyens de la puissances publique (expropriation, saisie, substitution...) pour traiter les situations les plus graves afin d’éviter des drames comme des effondrements est justifié pour ces cas d’exception mais une réponse coercitive généralisée ne doit pas se développer.
Les propriétaires qui font face à des difficultés de vie, à des loyers impayés ... mis en défaut pour assurer les travaux nécessaires doivent être accompagnés plutôt que dépossédés.
Le ministre devrait présenter d’ici la fin de l’année le projet de loi issu de ce rapport. A suivre ...
Mission relative aux outils d’habitat et d’urbanisme à créer ou améliorer pour renforcer la lutte contre l’habitat indigne – Rapport
L’intégralité du rapport est à retrouver sur :
www.ecologie.gouv.fr
Les pages 12 à 53 détaillent les propositions
__________________________________________________________________________________
A lire :
Report de l’interdiction de louer les logements classés G au 1er janvier 2025 ?