A la suite de l’effondrement d’un immeuble au 4 rue Saint Rome à Toulouse, des immeubles proches ont été évacués par mesure de sécurité. Les occupants ont pu, pour certains, réintégrer leurs locaux (logements, bureaux ou commerces) mais avec des désagréments. L’une de nos adhérentes, propriétaires dans l’un de ces immeubles et par ailleurs présidente de conseil syndical, nous rapporte les difficultés rencontrées. Entretien avec Eliane Pagès, réalisé le 4 avril 2024.
Vous ne résidez pas au centre-ville mais en tant que propriétaire bailleur vous avez eu à faire face à l’évacuation de vos locataires. Comment l’avez-vous vécu ?
Je suis présidente de 2 conseils syndicaux au 5 rue du Puits vert et 4 Rue Peyras à Toulouse.
Pour les 2 immeubles, cela s’est bien passé, si on peut dire…, surtout sans conséquence vitale, mais la vie des occupants a été complètement modifiée, et surtout ça dure et comment s’organiser quand on ne sait pas pour combien de temps...? Il faut se reloger.
Pour le 5 rue du Puits vert, cela n’a duré que 3 à 4 jours car l’immeuble du 4 rue St Rome s’étant effondré rapidement après avoir été consolidé, il a fallu évacuer les gravats et ensuite les locataires ont pu revivre dans leur appartement, assez rapidement. Le Airbnb a été interdit ainsi que les entreprises de ménages et les artisans, une dizaine de jours ; actuellement tout est rentré dans l’ordre. Nous devons voir avec le syndic pour faire une étude de structure, vérifier les caves ...l’immeuble est du 16ème siècle ; il n’a pas souffert semble-t-il.
Le 4 rue Peyras a eu un arrêté municipal assimilable à un arrêté de mise en péril avec interdiction de s’y rendre et de ce fait d’y habiter à compter du 11 mars 2024. Le bar qui vient d’acheter a perdu son exploitation, j’espère qu’il avait pris, dans son assurance, la perte d’exploitation ; ce n’est pas systématique.
Quels sont les désagréments et les incertitudes que vous subissez à la suite de l’effondrement ?
En cas d’arrêté de mise en péril le bail est suspendu. Le propriétaire perd son loyer car les assurances propriétaires non occupant ne couvrent pas la perte de loyer, du fait qu’il n’y a pas de sinistre type incendie, dégâts des eaux… ce n’est pas prévu par l’assurance, c’est le fait du Prince. Il y a un vide juridique car il n’y a pas de sinistre, l’assurance conseille d’attaquer, avec la protection juridique, la mairie et l’immeuble du 1 rue du Puits clos, non entretenu semble-t-il et présentant un risque d’effondrement, ayant obligé la mairie à fermer la rue Peyras. Mais attaquer, c’est plusieurs années de procédures, les propriétaires n’étant pas jeunes souvent retraités, ce n’est pas une solution, surtout s’ils comptaient sur ces loyers pour vivre. L’assurance du locataire est aussi défaillante pour la même raison, puisqu’il n’y a pas de sinistre. L’appartement loué est en parfait état mais non accessible. En cas d’incendie ou dégâts des eaux, le locataire est relogé par l’assurance et le propriétaire indemnisé par l’assurance.
Que faudrait-il améliorer ?
L’Etat devrait soit créer un fonds de dédommagement pour le locataire et le propriétaire ou revoir les clauses obligatoires des assurances. Les propriétaires et les locataires n’y sont pour rien si l’accès à leur appartement est rendu impossible par une interdiction d’accessibilité par la mairie pour la sécurité. Ils payent pour ceux qui n’ont pas rempli leurs obligations d’entretien de leur immeuble.
Etes-vous favorable au diagnostic structurel sur les bâtiments de plus de 15 ans que prévoit une loi en cours d’adoption au Parlement ?
Je suis favorable au diagnostic structurel sur les immeubles de plus de 15 ans, et à la loi en cours d’adoption au Parlement. Toulouse a beaucoup d’immeubles en briques crues qui avec les évènements climatiques qui s’enchainent peuvent être fragilisés.
Que souhaiteriez-vous ajouter ?
En vous remerciant pour l’intérêt que vous portez à ces graves évènements et peut être en le faisant savoir aux propriétaires aux locataires, aux hommes politiques vous permettrez de supprimer le vide juridique, de la non-accessibilité pour fermeture temporaire et sans date de réouverture d’immeuble avec perte de loyers et d’occupation, non prévue dans les textes de loi, ni par les assurances.
Situation inconfortable et surtout injuste pour le locataire et le propriétaire qui n’y sont pour rien comme c’est notre cas. Nous payons pour l’incurie d’autres propriétaires, la responsabilité collective devrait faire le nécessaire pour empêcher que cela se reproduise.
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