Avoir un droit de jouissance privative sur une partie commune, jardin ou terrasse, est un vrai plus au quotidien. Mais ce droit a des limites.
Droit de jouissance OUI / droit de propriété : NON
Le cas paraît classique et le sujet tranché mais l’affaire a été portée jusque devant la Cour de cassation et mérite donc une attention.
Les propriétaires d’un appartement en rez-de-chaussée d’un immeuble en copropriété ont acquis ce lot avec jouissance d’une parcelle de terre de 132 m² environ.
Ils ont installé dans ce jardin un cabanon de 3 mètres sur 3 et une terrasse en teck.
Lors de l’assemblée générale du 21 mai 2015, les copropriétaires, par vote, ont refusé l’autorisation de travaux de construction d’un abri sur dalle béton (il s’agit d’une autorisation a postériori, les travaux litigieux ayant déjà été réalisés).
Les copropriétaires du lot avec jouissance privative du jardin ont demandé la nullité de cette résolution car il ne s’agissait pas de travaux d’amélioration sur des parties communes nécessitant un vote en assemblée générale selon eux. Le syndicat des copropriétaires a demandé, de son côté, la démolition de l’abri de jardin et de sa dalle et la remise en l’état initial.
La Cour d’appel donne raison au couple de copropriétaires demandeur avec l’argument suivant : ces copropriétaires ont la jouissance exclusive de cette partie commune, ils peuvent donc en jouir dans les conditions prévues pour les parties privatives. Il n’y a, dès lors, pas besoin de l’aval de l’assemblée générale pour réaliser des travaux.
Les juges de cassation ne peuvent que rejeter ce raisonnement : « l'attribution d'un droit d'usage privatif sur une partie commune ne modifie pas le caractère de partie commune et (…) le copropriétaire qui veut effectuer des travaux sur les parties communes dont il a la jouissance privative doit solliciter l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires ».
Cour de cassation, 3ème civ., 23 janvier 2020, n°18-24676
Réforme ÉLAN
La loi ÉLAN a renforcé les textes sur le droit de jouissance privative sur partie commune.
- Le nouvel article 6-3 de la loi du 10 juillet 1965 en donne désormais une définition précise : « Les parties communes à jouissance privative sont les parties communes affectées à l'usage et à l'utilité exclusifs d'un lot. Elles appartiennent indivisément à tous les copropriétaires. Le droit de jouissance privative est nécessairement accessoire au lot de copropriété auquel il est attaché. Il ne peut en aucun cas constituer la partie privative d'un lot. »
- Le nouvel article 6-4 fixe une condition à leur existence : « L'existence des parties communes spéciales et de celles à jouissance privative est subordonnée à leur mention expresse dans le règlement de copropriété. »
A noter, si des droits de jouissance exclusive sur partie commune existent sans mention dans le règlement de copropriété, la loi ÉLAN prescrit sa mise à jour sous 3 ans, soit d’ici au 28 novembre 2021.