Confronté à la carence d’un copropriétaire bailleur qui ne mène aucune action à l’encontre de son locataire commercial alors que son activité nuit à la tranquillité des autres occupants de l’immeuble, les autres copropriétaires sont-ils en droit d'effectuer les démarches nécessaires à sa place ?
Aux termes d’un arrêt (n° 20-18.327) prononcé le 8 avril 2021, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a répondu par l’affirmative à cette question en jugeant recevable l’action oblique menée par un copropriétaire directement à l’encontre du locataire d’un autre copropriétaire.
Au mois d’octobre 2002, un local commercial situé dans un immeuble soumis au statut de la copropriété est donné à bail en vue de son utilisation pour une activité de vente et de réparation de scooters.
Un peu moins de dix ans plus tard, le copropriétaire du lot contigu à ce local, victime de nuisances sonores et olfactives récurrentes, décide d’assigner directement, et sur le fondement de l’action oblique, ce locataire en résiliation du bail commercial et expulsion. Il prend soin d’appeler également dans la cause le copropriétaire bailleur de ce local afin que la décision à venir lui soit déclarée opposable.
Les juges du fonds accueillent sa demande et leur décision est confirmée par la Cour de cassation, au visa de l’article 1166 ancien du code civil (article 1341-1 nouveau du Code civil issu de l’ordonnance n° 2016-131 du 10/02/2016).
Dans sa décision, la Haute Juridiction rappelle sa jurisprudence antérieure et constante depuis un arrêt prononcé le 14 novembre 1985 (pourvoi n° 84-15.577) aux termes de laquelle elle avait ouvert la possibilité au syndicat des copropriétaire d’exercer une action oblique en résiliation du bail directement à l’encontre du locataire, en cas de carence du copropriétaire-bailleur, et dès lors que le locataire :
- Contrevenait aux obligations découlant du règlement de copropriété
- Et que ses agissements causaient un préjudice aux autres copropriétaires.
Elle cite également un arrêt qu’elle avait prononcé le 22 mars 2000 (pourvoi n° 98-13.345) dans lequel elle avait admis que le règlement de copropriété ayant la nature d’un contrat, chaque copropriétaire avait le droit d’en exiger le respect par les autres : ainsi, elle avait reçu l’action individuelle d’un copropriétaire à l’encontre d’un locataire en précisant que son intérêt à agir trouvait sa source dans l’irrespect du règlement de copropriété, sans qu’il n’ait à démontrer qu’il subissait un préjudice personnel et spécial distinct de celui dont souffrait la collectivité des membres du syndicat.
La solution apportée par la Cour dans son arrêté du 8 avril 2021 n’est pas nouvelle mais a le mérite de viser cette fois expressément les dispositions de l’article 1166 du Code civil, dont la rédaction a été modifiée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
Ce texte qui régit l’action dite oblique est issu du droit commun. Il permet aux créanciers d’exercer directement tous les droits et actions de leur débiteur, à l’exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne.
Le nouvel article 1341-1 qui dispose désormais que l’action oblique n’est ouverte qu’en cas de carence du débiteur dans « l'exercice de ses droits et actions à caractère patrimonial », ne remet pas en cause cette solution puisque le domaine de l’action oblique concerne toujours les créanciers d’une obligation de faire ou de ne pas faire qui ont une nature patrimoniale.
Pour accueillir l’action des copropriétaires, la Cour de cassation rappelle que le règlement de copropriété a une nature contractuelle, et que chaque copropriétaire est donc débiteur du respect des obligations qu’il définit. Elle ouvre le bénéfice de l’action oblique à tout copropriétaire lésé par l’inaction du bailleur à faire respecter le règlement :
« 8. Il en résulte que, titulaire de cette créance, tout copropriétaire peut, à l'instar du syndicat des copropriétaires, exercer les droits et actions du copropriétaire bailleur pour obtenir la résiliation d'un bail lorsque le preneur méconnaît les stipulations du règlement de copropriété contenues dans celui-ci. »
- D’une violation du règlement de copropriété, qui prévoit en général, et en application de l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965, que les copropriétaires usent et jouissent librement des parties privatives et communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble, ce qui leur interdit d’occasionner des nuisances, par exemple, sonores ou olfactives,
- D’une inexécution d’une ou plusieurs obligations découlant du contrat de bail, et en particulier de la clause usuelle selon laquelle le preneur s’engage à respecter les dispositions du règlement de copropriété dont il reconnaît avoir reçu copie.
- Et d’une négligence du copropriétaire bailleur qui n’a mis en œuvre aucune action efficace pour faire cesser le trouble, étant précisé qu’une simple mise en demeure est insuffisante.
Lorsque ces conditions sont réunies et démontrées, le copropriétaire peut, sur le fondement de l’action oblique, agir en résiliation du contrat de bail du locataire indélicat, ce qui lui permet notamment de ne pas avoir à attendre le vote de l’assemblée générale des copropriétaires pour engager une action, ni d’être confronté à un vote négatif.
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