LA VIE EN COPROPRIÉTÉ ET L'ACTIVITÉ COMMERCIALE

Vivre en copropriété peut parfois être source de conflits notamment lorsqu'il s'agit de partager sa vie avec d'autres copropriétaires qui ne font pas nécessairement le même usage de leur lot privatif.
Il est de plus en plus courant que des activités dites commerciales soient exercées au sein d'immeubles en copropriété à usage d'habitation.
Mais dans quelle mesure la coexistence de lots à usage d'habitation et commercial est-elle possible ? Quelles sont les règles qui s'appliquent dans ce cas ? Comment exercer une activité commerciale en toute légalité et sans enfreindre le droit des autres copropriétaires ?


Auteur : Maître Virginie Chiorozas

Le droit de propriété, un droit absolu

Tout d'abord, il convient de rappeler que le droit de propriété est un droit absolu tel que le rappelle l'article 544 du Code civil. Le propriétaire doit pouvoir disposer de la manière la plus absolue de son bien.

Ce principe juridique s'applique même lorsque le droit de propriété est exercé en copropriété. Chaque copropriétaire doit donc pouvoir user librement de son lot, en théorie en tout cas.

Avec des restrictions

Toutefois, des restrictions peuvent être apportées sur ce libre exercice.

Ainsi, l'article 8 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis dispose que : « (…) Le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation (...) ».

L'article 9 de la même loi pose une autre restriction : « Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires, ni à la destination de l'immeuble. (...) »

A cette première restriction relative à la destination de l'immeuble, il convient donc d'ajouter celle relative aux conditions de jouissance des lots privatifs, notion qui doit être rapprochée de celle de trouble anormal de voisinage.

Se référer au règlement de copropriété

Pour savoir si une activité commerciale peut être exercée dans un lot privatif, il convient donc de se référer au règlement de copropriété et à ce qui y est stipulé s'agissant de la destination de l'immeuble.

Plusieurs destinations peuvent être envisagées par le règlement de copropriété, ce qui induira un cadre juridique différent pour le libre exercice d'une activité commerciale sur un lot privatif.

- Tout d'abord, le règlement de copropriété peut prévoir que l'immeuble est uniquement destiné à un usage d'habitation.

Dans cette hypothèse, le règlement peut contenir une clause qui précise l'affectation des parties privatives et de chaque lot:

- Une clause d'habitation bourgeoise simple : dans ce cas, seul un usage d'habitation des lots privatifs est possible, ce qui n'interdit pas en général qu'une activité libérale c'est-à-dire professionnelle soit exercée, si elle ne génère pas de nuisance excessives.
L'activité commerciale est, quant à elle, proscrite.

- Une clause d'habitation bourgeoise exclusive : dans ce cas, tout autre usage autre que l'habitation est interdit.

Les activités commerciales ou libérales ne sont pas acceptées.

Le règlement de copropriété peut aussi stipuler que l'immeuble est à usage mixte d'habitation et commercial.

Ici aussi, la destination de chaque lot est en principe précisé. Il convient donc de s'y référer.

Ainsi, le règlement peut par exemple prévoir que les lots situés en rez-de-chaussé seront destinés à un usage exclusif de commerce ou de bureau, tandis que les autres seront à usage d'habitation.

Lorsqu'une contradiction surgit entre la destination conférée à un lot dans le règlement de copropriété et celle qui résulte d'autres actes tels que l'acte de vente de ce lot, ou le permis de construire par exemple, ce sont en principe les dispositions du règlement de copropriété qui doivent s'appliquer (Cour d'appel d'Aix en Provence, 29 novembre 1977).

Lorsque le règlement de copropriété fixe de manière précise la destination d'un lot, le copropriétaire ne peut y contrevenir faute pour lui d'engager sa responsabilité. Lorsqu'une activité commerciale est exercée dans un lot à usage d'habitation, le copropriétaire défaillant peut être contraint sous astreinte par le juge de cesser cette activité.

En principe, toute modification de la clause est interdite, sauf consentement unanime de tous les copropriétaires.

Par exemple, si le règlement précise qu'un lot est à destination commerciale, le copropriétaire ne peut l'aménager en logement (Cass 3e civ. 26 avril 2006 n°05-12045).

A contrario, lorsque les stipulations du règlement de copropriété sont plutôt permitives et libérales et précisent que tel ou tel lot peut être à usage d'habitation ou pour l'exercice d'une profession libérale ou d'un commerce, la jurisprudence de manière majoritaire tend à faire prévaloir le principe de liberté qui doit s'imposer conformément à l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965. Le copropriétaire peut ainsi user de sa partie privative comme bon lui semble, à condition toutefois de ne pas porter atteinte à la destination générale de l'immeuble, de créer une gêne supplémentaire pour les autres copropriétaires, ou de porter atteinte à la destination de l'immeuble.

Par exemple, il a été jugé qu'un lot qui est utilisé commercialement, peut être affecté à l'habitation à défaut de clause fixant sa destination (Cour d'appel de Paris, 23ème chambre, section A, 26 mars 2003, n°2002/197792).

Dans le même sens, une cave peut être affectée à l'exercice d'une activité commerciale, lorsque le règlement de copropriété prévoit que l'immeuble est à usage mixte d'habitation et de commerce, ce qui n'interdit pas l'affectation à usage commercial de locaux utilisés bourgeoisement (Cass. 3Ème civ. 21 octobre 1992, n°90-21148).

Le cas des locations de courte durée

Avec le développement des plateformes de type « AIRBNB », s'est posé la question de la légalité des locations courte durée sur des lots privatifs à usage d'habitation.

Les enjeux sont importants pour les copropriétaires car les nuisances sont souvent conséquentes en raison des nuisances générées par les va-et-vient des touristes.

Tout d'abord, il faut préciser que la jurisprudence qualifie d'activité commerciale la location à la journée ou à la semaine d'un lot de copropriété.

Pour savoir si une location courte durée est permise dans un lot privatif à usage d'habitation, il convient de se référer à la destination de l'immeuble.

Dans le cas d'un immeuble dont l'usage serait mixte (commercial, professionnel et d'habitation), la pratique de la location touristique de courte durée ne serait pas prohibée.

En revanche, dans un immeuble à usage d'habitation bourgeoise simple, cette pratique est proscrite.

C'est ce qu'a rappelé la 3ème chambre de la Cour de cassation dans un arrêt du 8 mars 2018 (n°14-15864), s'agissant d'un immeuble qui était principalement à usage d'habitation, avec possibilité d'usage mixte professionnel-habitation et à l'exclusion de toute activité commerciale, « ce qui privilégiait son caractère résidentiel », jugeant que « ces rotations des périodes de location ne correspondaient pas à la destination de l'immeuble ».

Dans un arrêt plus récent encore (Cass. 3E civ. 27 février 2020, n°18-14305), la Cour de cassation a confirmé cette position d'interdiction, s'agissant d'un immeuble à usage exclusif d'habitation avec possibilité d'une utilisation des locaux à titre professionnel. En l'espèce les lots privatifs à usage d'habitation étaient utilisés pour des locations de courte durée.

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