DÉMOLITION D'UNE CONSTRUCTION POUR TROUBLE ANORMAL DE VOISINAGE : LE JUGE JUDICIAIRE Y VEILLE !

Auteur : Maître Nathalie THIBAUD , avocat et consultant UNPI 31-09 .

Le bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme (permis de construire, déclaration de travaux…) peut se croire définitivement à l’abri de tout recours une fois son autorisation purgée du fameux recours des tiers pesant sur ce type d’autorisation, qui peut aller jusqu’à la saisine du juge administratif.

Et bien non ! Il faut également compter avec le juge judiciaire dont les pouvoirs sont sans doute plus redoutables que ceux attribués au juge administratif, ce dernier ne pouvant qu’annuler une autorisation mais pas ordonner la démolition d’une construction.

Or, le juge judiciaire dispose de ce pouvoir d’ordonner la démolition d’une construction causant un trouble anormal de voisinage. La Cour de cassation l’a rappelé récemment dans un arrêt du 22 octobre 2020 (Cass. 3ème civ. 22-10-2020 n°18-24.439 F-D).

La Cour de cassation a été saisie dans ce dossier par les propriétaires d’une résidence secondaire aux fins de démolition d’une surélévation pratiquée sur une construction voisine dont les travaux avaient été autorisés par un permis de construire parfaitement valable. Le juge administratif les ayant déboutés de leur recours contre le permis, ils ont alors saisi le juge judiciaire d’une action en trouble de voisinage pour perte d’ensoleillement.

La Haute juridiction a donné raison à ces propriétaires considérant que l’environnement était rural et qu’ils subissaient désormais une ombre portée à compter de 16h en plein été. Le fait que la résidence ne soit que secondaire a été écartée par la Cour.

La sanction peut dont être très lourde.

Ainsi, alors que l’on dispose d’un permis parfaitement légal autorisant l’édification d’une construction, les tiers (les voisins directs) peuvent faire valoir devant le juge judiciaire d’autres règles que les règles d’urbanisme, parmi lesquelles on trouve la théorie du trouble anormal de voisinage.

Cette théorie est issue de la jurisprudence des juridictions civiles. Elle s’appuie sur l’article 544 du Code civil qui dispose que « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».

La responsabilité du propriétaire d’une construction nouvelle peut être engagée par le voisin (tiers) devant la juridiction civile sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage.

Il s’agit d’une responsabilité objective en ce sens qu’il suffit au voisin de prouver par tous moyens qu’il existe un trouble anormal, qu’il subit un préjudice et qu’il existe un lien de cause à effet ou lien de causalité entre le préjudice et la construction édifiée. L’existence du trouble s’apprécie indépendamment du problème de la régularité de la construction au regard des règles d’urbanisme.

Parmi ces troubles, on peut trouver la perte d’ensoleillement, d’une vue, mais aussi le bruit. Tous ces troubles doivent excéder les inconvénients normaux du voisinage pour pouvoir fonder une telle action judiciaire.

Le juge judiciaire apprécie souverainement le caractère anormal du trouble et son lien direct avec le préjudice. Celui-ci peut être économique, esthétique ou même moral. La dépréciation du bien est souvent le préjudice retenu.

Il peut ordonner la démolition comme dans l’espèce susvisée, c’est-à-dire une réparation en nature, ou sinon par équivalent avec l’allocation de dommages et intérêts indemnisant le ou les préjudices subis. Il penche plus souvent pour cette solution, la démolition étant plus rare.

Pour apprécier l’anormalité du trouble, les tribunaux se fondent sur l’environnement et sur les constats qui auront pu être réalisés.

Enfin, la loi limite ce type d’action en responsabilité pour les dommages causés aux occupants d’un immeuble par des nuisances provenant d’activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques lorsque le permis de construire a été demandé postérieurement à l’existence de ces mêmes activités. Il s’agit du principe de préoccupation ou de la règle dite de l’antériorité (art. L 112-16 du Code de la construction et de l’habitation)

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